Baux viticoles en Champagne
1. Interférences avec le contrôle des structures

Mise à jour: 31 mai 2011
 
     
 

1.- Le praticien doit identifier ces zones d’interférence, car des négligences « formelles » peuvent anéantir les droits que les parties tiennent du statut des baux ruraux.

1.1.- Le bail ne peut être valablement conclu ou cédé que sous réserve de l’octroi de l’autorisation (art. L. 331-6):

Art. L. 331-6 CR : (rédaction issue de la loi d’Orientation agricole du 5 janvier 2006) : Si le preneur est tenu d'obtenir une autorisation d'exploiter …, la validité du bail ou de sa cession est subordonnée à l'octroi de cette autorisation. Le refus définitif de l'autorisation ou le fait de ne pas avoir présenté la demande d'autorisation exigée en application de l'article L. 331-2 dans le délai imparti par l'autorité administrative en application du premier alinéa de l'article L. 331-7 emporte la nullité du bail que le préfet du département dans lequel se trouve le bien objet du bail, le bailleur ou la société d'aménagement foncier et d'établissement rural, lorsqu'elle exerce son droit de préemption, peut faire prononcer par le tribunal paritaire des baux ruraux.

  •  L'exception de nullité ne peut être soulevée que pour faire échec à la demande d'exécution d'un acte juridique qui n'a pas encore été exécuté, et la nullité du bail pour inobservation de la législation sur le contrôle des structures ne peut être opposée au preneur qui conteste la validité d'un congé aux fins de reprise (3ème civ. 8 février 2006, n° 04-18096). Cf. également 3ème civ. 10 juillet 2007, n° 06-20129.
Conclusion du bail:
  •  Les bailleurs ne peuvent poursuivre la nullité du bail dès lors que le refus d'autorisation d'exploiter, annulé par un jugement du tribunal administratif, ne peut être regardé comme définitif et dès lors qu'en raison du changement de législation intervenu depuis la conclusion du bail le preneur n'est plus tenu de solliciter une autorisation d'exploiter (3ème civ. 29 septembre 2004, n° 03-17909: BC III, n° 160).

  •  En annulant la préemption exercée par le locataire au motif que l’autorisation administrative d’exploiter avait fait l’objet d’un refus devenu définitif alors qu’à la date de préemption aucune demande de nullité du bail n’avait été introduite par le bailleur, la Cour d’appel a violé l’article L. 331-6 du Code rural (Cass. civ. III, 20 avril 2005, n° 03-18272; dans le même sens: Cass. civ. III, 17 février 2010 n° 09-10756).  

  •  En retenant, pour valider une promesse de bail, que le préfet avait autorisé le bénéficiaire " dans le cadre de l'EARL X " à adjoindre à son exploitation les parcelles relevant de la promesse sans rechercher qui, du bénéficiaire ou de la personne morale, avait obtenu l'autorisation d'exploiter, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision (3ème civ. 30 octobre 2002, pourvoi n° 01-01179 : RD rur. janvier 2003, p. 3). Dans le même sens: 3ème civ. 31 octobre 2007, n° 06-19350.

Cession du bail:

Avant même la loi d’orientation agricole du 5 janvier 2006, la jurisprudence étendait à la cession du bail l’exigence d’une situation en règle avec le contrôle des structures.

  •  Le Tribunal ne peut autoriser la cession du bail sans rechercher, au besoin d'office, si le cessionnaire était titulaire du brevet professionnel agricole à la date d'effet de l'opération ou possédait alors une expérience professionnelle de la durée requise et s'il était titulaire d'une autorisation d'exploiter dans la mesure où celle-ci était nécessaire (Cass. civ. III, 22 mars 2005, n° 04-11032).

      Pour les difficultés de détermination de cette date, lire S. Crevel sous 3ème civ. 12 juin 2001, préc. in RD rur. 2001, p. 535.

      Toutefois, un arrêt (3ème civ. 18 décembre 2002, pourvoi n° 01-12483) non publié au Bulletin tient compte de l’autorisation valide à la date de demande de cession, le demandeur au pourvoi reprochant vainement à la Cour d’appel de ne pas s’être placée à la date projetée pour la cession pour apprécier l’existence d’une telle autorisation.

Cession d'un bail mis à disposition d'une société:

      ... Sauf que la cession du bail des parents âgés à leur fils déjà membre du GAEC "à la disposition duquel ont été apportés les terres données à bail" (sic !) ne constitue pas une opération soumise à autorisation (Cass. civ. III, 13 mai 2009, n° 08-16619).

  •  Cette jurisprudence semble abandonnée: Alors que le cessionnaire était membre de l'EARL à la disposition de laquelle les terres louées devaient être mises et que cette EARL avait obtenu l'autorisation d'exploiter ces terres , la cour d'appel ne pouvait rejeter la demande d'autorisation de cession du bail à son profit au motif qu'il devait obtenir une autorisation personnelle d'exploiter (Cass. civ. III, 27 mai 2009, n° 08-14982).

Et Cass. Civ. III, 6 janvier 2010, n° 08-20928 : Le cessionnaire d’un bail, associé du GAEC auquel les parcelles louées on été mise à disposition, n’est pas tenu d’être personnellement titulaire d'une autorisation d'exploiter.

1.2.-La reprise en fin de bail ne peut avoir lieu qu’après octroi de l’autorisation, le Tribunal paritaire des baux ruraux pouvant surseoir à statuer tant que la décision n’est pas devenue définitive (art. L. 411-58, 5ème al.).

Art. L. 411-58 (al. 5 à 7) CR (rédaction issue de la loi d’Orientation agricole du 5 janvier 2006 et de l’ordonnance n° 2006-870 du 13 juillet 2006): Si la reprise est subordonnée à une autorisation en application des dispositions du titre III du livre III relatives au contrôle des structures des exploitations agricoles, le tribunal paritaire peut, à la demande d'une des parties ou d'office, surseoir à statuer dans l'attente de l'obtention d'une autorisation définitive.
Toutefois, le sursis à statuer est de droit si l'autorisation a été suspendue dans le cadre d'une procédure de référé.
Lorsque le sursis à statuer a été ordonné, le bail en cours est prorogé de plein droit jusqu'à la fin de l'année culturale pendant laquelle l'autorisation devient définitive. Si celle-ci intervient dans les deux derniers mois de l'année culturale en cours, le bail est prorogé de plein droit jusqu'à la fin de l'année culturale suivante.
Lorsque les terres sont destinées à être exploitées dès leur reprise dans le cadre d'une société et si l'opération est soumise à autorisation, celle-ci doit être obtenue par la société.

Remarque : La rédaction antérieure faisait obligation au juge judiciaire de surseoir à statuer, sans pouvoir apprécier le sérieux de la contestation élevée devant les juridictions administratives (3ème civ. 16 novembre 1994: pourvoi n° 92-18973 , 3ème civ. 3 novembre 2005, n° 04-15326). La nouvelle règle édictée par l’ordonnance du 13 juillet 2006 est expressément applicable aux baux en cours.

  •  En application de la nouvelle législation, un tribunal (TPBR de Châlons-en-Champagne, 30 août 2007, n° 51-06-000014) a décidé que le sursis à statuer ne se justifiait pas au regard de la bonne administration de la justice, validé le congé déféré en suspendant ses effets dans l’attente de l’obtention d’une autorisation définitive d’exploiter et décidé de la prorogation du bail en cours jusqu’à la fin de l’année culturale au cours de laquelle l’autorisation devient définitive (ou de l’année culturale suivante si la décision définitive intervient dans les deux dernier mois d’une année culturale).
  •  Si la reprise ne nécessite pas d'autorisation préalable d'exploiter, l'annulation de l'arrêté autorisant le bénéficiaire à exploiter lesdites parcelle est sans effet sur la validité du congé (3ème civ. 1er février 2011, n° 10-30529).

Notion de décision définitive

  •  N'est définitive qu'une décision devenue irrévocable par épuisement des voies de recours (3ème civ. 30 mai 1990, pourvoi n° 89-14169 : BC III, n° 133; JCPN 1991.II, p. 117, n° 8 ; 14 octobre 1992, pourvoi n° 90-19896 : BC III, n° 266).

Prorogation de plein droit :

  •  Lorsque la reprise nécessite une autorisation et que celle-ci n’est pas définitive, la juridiction judiciaire doit surseoir à statuer sans pouvoir apprécier le sérieux de la contestation élevée devant le juge administratif. (3ème civ. 16 novembre 1994: pourvoi n° 92-18973).
  • Dès lors que les preneurs ont contesté devant le tribunal administratif la décision par laquelle le préfet avait dit n'avoir lieu à autorisation, "la cour d'appel a décidé discrétionnairement de surseoir à statuer"(3ème civ. 3 novembre 2005, n° 04-15326).
  •  La réintégration du preneur évincé (en raison de l’exécution provisoire dont était assorti le jugement de première instance) doit être ordonnée lorsque la Cour surseoit à statuer en l’attente d’une décision administrative définitive (3ème civ. 25 septembre 2002, pourvoi n° 01-03745 : BC III, n° 173).
  •  Lorsque le bail est prorogé en attente de la décision administrative, les conditions fixées par l’article L. 411-59 CR doivent s’apprécier à la date de fin de la prorogation et non à la date d’effet du congé (Cass. civ. III, 31 mai 2005, n° 04-10781).
  •  S’il est définitivement jugé que l’opération n’était pas soumise à autorisation, le bail n’a pu voir sa durée prorogée de plein droit et le preneur doit être considéré comme s’étant maintenu sans droit ni titre (3ème civ. 21 nov. 2001, pourvoi n° 00-17937: BC III, n° 133 ;  RD rur. 2001, p. 576, obs. Ch. Pitaud; RD rur. 2002, p. 294, obs. S. Crevel; JCPN 2002, n° 1257, p. 644, note J.-P. Moreau).
  • Nota: solution rendue sous l’ancienne législation et probablement non compatible avec la nouvelle rédaction de l’article L 411-58 du code rural issue de l’ordonnance du 13 juillet 2006.

Reprise pour exploiter au sein d’une société :

Alors qu’il avait été jugé que le bénéficiaire de la reprise devait être personnellement titulaire de l’autorisation d’exploiter (3ème civ. 4 avril 2001, pourvoi n° 99-16306), l’ordonnance du 13 juillet 2006 a ajouté à l’article L. 411-58 du Code rural un alinéa ainsi rédigé : « Lorsque les terres sont destinées à être exploitées dès leur reprise dans le cadre d’une société et si l’opération est soumise à autorisation, celle-ci doit être obtenue par la société ».

Remarque : Limitée au cas de terres exploitées en société après reprise, cette nouvelle règle ne devrait pas modifier les solutions retenues par la jurisprudence en matière de promesse de bail (3ème civ. 30 octobre 2002, pourvoi n° 01-01179 : RD rur. janvier 2003, p. 3) ou de cession (Cass. civ. III, 21 février 2007, n° 06-11218 et Cass. Civ. III, 5 mai 2004, n° 02-21659, ci-dessus).

Toutefois, récemment: Alors que le cessionnaire était membre de l'EARL à la disposition de laquelle les terres louées devaient être mises et que cette EARL avait obtenu l'autorisation d'exploiter ces terres , la cour d'appel ne pouvait rejeter la demande d'autorisation de cession du bail à son profit au motif qu'il devait obtenir une autorisation personnelle d'exploiter (Cass. civ. III, 27 mai 2009, n° 08-14982).

Mais dès lors que l’autorisation administrative d’exploiter ne concernait que l'EARL et que  l'ordonnance du 13 juillet 2006 n'était pas applicable au litige, la Cour a pu en déduire qu'à la date d'effet des congés, M. X... ne disposait pas d'une autorisation d'exploiter et annuler les congés pour reprise délivrés (Cass. Civ. III, 31 mai 2011, n° 10-17163).

Lorsqu’une autorisation est requise, la demande doit être formulée avant la date normale d’effet du congé:

  •  Cassation d’un arrêt d’appel ayant validité le congé au vu d’un courrier de la DDA estimant que l’opération relevait d’une simple déclaration préalable, sans rechercher (comme il y était invitée) si l’opération n’aboutissait pas en fait un démembrement soumis à autorisation préalable (3ème civ. 27 février 2002, pourvoi n° 00-21311 : BC III, n° 51).
Dans le même sens: Ne peut être regardé comme ayant obtenu l'autorisation nécessaire l'exploitant ayant présenté une demande d'autorisation préalable d'exploiter qui a été déclarée sans objet par une décision du préfet contre laquelle aucun recours n'a été engagé (3ème civ. 24 février 2004, n° 02-18752).

1.3.- La jurisprudence étend l’exigence d’une situation en règle avec le contrôle des structures :

 au renouvellement du bail:
  •  Le renouvellement est refusé au preneur qui, en cours de bail, a accru sa superficie au-delà du seuil de contrôle sans avoir, à la date d’effet du congé, demandé ou obtenu l’autorisation administrative nécessaire (3ème civ. 17 décembre 1986, pourvoi n° 85-13913 : BC III n° 185 ; Gaz. Pal. 1987, 1, p. 310).
à la transmission du bail par décès :
  •  Le conjoint survivant ayant demandé et obtenu en cours d’instance l’autorisation d’exploiter ne peut bénéficier du transfert du bail,  l’autorisation décernée tardivement ne pouvant avoir pour effet de régulariser rétroactivement une installation infractionnelle (TPBR Epernay 13 août 2003, n° 2003/16).
  •  Si la demande d’autorisation a été présentée par la société et par le preneur, ce dernier doit être regardé comme titulaire de l’autorisation d’exploiter lorsque la décision préfectorale l’a autorisé à exploiter dans le cadre de la société (3ème civ. 11 juin 2008, n° 07-17433).

1.4.- Droit de préemption :

  •  En annulant la préemption exercée par le locataire au motif que l'autorisation administrative d'exploiter avait fait l'objet d'un refus devenu définitif alors qu'à la date de préemption aucune demande de nullité du bail n'avait été introduite par le bailleur, la Cour d'appel a violé l'article L. 331-6 du Code rural (3ème civ. 20 avril 2005, n° 03-18272).

2.- Le praticien doit ensuite identifier les situations dans lesquelles une autorisation est requise.

Celles-ci dépendent des dispositions légales (article L. 331-2 Code rural) mais également des schémas directeurs départementaux des structures.

Présentation des S.D.D.S. en vigueur dans les départements champenois :

 
 
Aisne
Aube
Marne
Date des arrêtés préfectoraux 29 mars 2002 (SDDS) 17 mai 2002 (UR) 18 décembre 2000 (UR) 10 janvier 2001 (SDDS) 9 août 2007 (SDDS)
23 juillet 2007 (UR)
Spécificités viticoles UR et SMI Orientations et priorités.UR et SMI Seuils et distance Orientations, priorités, seuils et distance, UR et SMI
Règles d'application des spécificités viticoles
Les seuils s'apprécient en fonction de la valeur des unités de référence de la région où se trouvent les biens soumis à autorisation d'exploiter.

Les demandes portant sur des terres et vignes en AOC Champagne seront examinées selon les dispositions du secteur viticole.
Demandes portant sur des vignes. En cas de demandes portant sur des vignes et des terres agricoles, seront appliqués les critères de soumission les plus contraignants et les priorités définies dans chaque secteur concerné.
SMI (surface minimum d'installation) 1,5 ha (vignes AOC Champagne) 1,5 ha (vignes AOC Champagne) 1,5 ha (vigne)
UR (unité de référence) 4 hectares (vignes et terres AOC non plantées) 4 ha (secteur viticulture) 4 ha (vigne)
Seuil de "cumul" 1,5 UR (soit 6 ha vigne et TAOC) 1,5 UR pour le secteur viticole (soit 6 ha) 1,5 UR (soit 6 ha de vigne)
Seuil de "démembrement" 0,5 UR (soit 2 ha vigne et TAOC) 0,5 UR pour le secteur viticole 0,5 UR (soit 2 ha de vigne)
Distance 10 km Pas de distance pour les demandes portant sur les terres AOC et les vignes AOC situées dans l'aire géographique d'AOC Champagne) "Cette disposition ne s'applique pas aux vignes à appellation Champagne, pour lesquelles les opérations devront être réalisées dans l'aire géographique délimitée d'appellation Champagne…"
Surface maximum compatible avec le service de la retraite NSA (article L. 732-39 CR) 1/5 SMI 30 ares pour la viticulture. 1/5 SMI (omission dans les arrêtés susvisés)

 

La circulaire DGFAR/SDEA/C2006-5039 du 8 août 2006 a commenté les nouvelles dispositions issues de la loi d’orientation agricole.

En particulier, le Ministère de l’Agriculture confirme la disparition du contrôle en cas de diminution du nombre des associés et de modification dans la répartition du capital d’une société d’exploitation. En revanche, il estime que lorsqu’un exploitant prend une participation dans une autre exploitation, l’opération entre dans le champ d’application du contrôle, tout en précisant que les mouvements ultérieurs et internes ne seront plus appréhendés.

Une simple substitution d’exploitant, lorsque le propriétaire reprend la totalité de l’exploitation, sans aucun changement de la structure foncière, n’a ni pour objet ni pour effet de supprimer une exploitation agricole et ainsi ne nécessite pas, à ce titre, l’autorisation préalable requise en cas de suppression d’une exploitation agricole (3ème civ. 22 mars 2006, n° 04-20766).
Remarque : La Cour de cassation, qui avait précédemment jugé que l'opération de reprise totale par le propriétaire bailleur ayant pour conséquence de supprimer l'exploitation agricole du preneur se trouvait soumise à autorisation préalable (3ème civ., 25 juin 1997, n° 95-15560: BC III, n° 154), modifie sa jurisprudence et l’aligne sur la solution retenue par le Conseil d’Etat (CE 6 février 1998, n° 144940 : RDR 1998, act. P. 318)