Baux viticoles en Champagne
2. Les baux de "petites parcelles" de vigne

Mise à jour: 28 juillet 2010
 
     
 

 

L’article L. 411-3 Code rural permet de soustraire à certaines dispositions du statut des baux ruraux les locations de faible importance. Est considérée comme telle la location qui porte sur une surface n’excédant pas un maximum fixé par arrêté préfectoral et ne constituant, ni un corps de ferme, ni une partie essentielle de l’exploitation.

Pour les départements champenois, et s’agissant des baux portant sur des parcelles viticoles, les superficies maximales sont fixées comme suit :

• Marne : 10 ares

Arrêté du 5 novembre 1975, visant les parcelles de vignes et de terres à vignes, applicable à compter du 1er décembre 1975 (la superficie maximale applicable aux autres parcelles étant fixée à 1 hectare).

Antérieurement, la superficie maximale était fixée à 30 ares pour les parcelles de vignes (arrêté du 18 janvier 1951).

• Aube : 7,5 ares

Arrêté n° 87-5394 du 4 décembre 1987 (art. 9), visant les « vignes plantées en cépages nobles admis par la réglementation champenoise » (la superficie maximale applicable aux autres parcelles étant fixée à 1,50 hectare, sauf cultures maraîchères et horticoles et pépinières pour lesquelles la limite de 7 ares 50 est également applicable).

L’arrêté précise que le statut du fermage est accordé au preneur de toute parcelle d’une superficie inférieure au seuil, lorsque les limites de cette parcelle sont communes, pour les 3/5 au moins, à des parcelles qu’il cultive déjà, ou qu’il s’agit de parcelles pouvant constituer une voie d’accès à l’exploitation de celui qui les cultive.

Antérieurement, la superficie maximale était fixée à 30 ares (Arr. 29 juin 1968 et 7 juillet 1977).

• Aisne : 20 ares

Arrêté du 31 mai 1996 (art. 6), visant le vignoble, applicable à compter du 1er juin 1996 (la superficie maximale applicable en dehors du vignoble étant fixée à 50 ares).

L’arrêté précise que l’ensemble des dispositions du statut du fermage s’appliquent à la location de toute parcelle inférieure au seuil, lorsque, située en zone NC ou ND d’un POS (ou en dehors du périmètre d’agglomération en l’absence de POS), elle se trouve entourée sur au moins la moitié de son périmètre par d’autres terres ou herbages également mis en valeur par le titulaire du bail.

L’arrêté antérieur du 30 octobre 1986 comportait des dispositions identiques (art. 9).

Antérieurement, aucune limite n’était fixée pour le vignoble (arr. du 22 déc. 1976, art. 8).

Ces locations échappent :

- à l’obligation d’un écrit ;

- à la durée minimale de 9 ans ;

   L’article L. 411-3 du code rural renvoie à l’article 1774 du code civil qui dispose :

 Le bail, sans écrit, d’un fonds rural est censé fait pour le temps qui est nécessaire afin que le preneur recueille tous les fruits de l’héritage affermé.
 Ainsi le bail à ferme d’un pré, d’une vigne, et de tout autre fonds dont les fruits se recueillent en entier dans le cours de l’année, est censé fait pour un an.
 Le bail des terres labourables, lorsqu’elles se divisent par soles ou saisons, est censé fait pour autant d’années qu’il y a de soles.

- à la réglementation du prix (tant en fermage qu’en métayage) ;

Le bail soumis au régime des petites parcelles, faisant la loi des parties à défaut de dispositions d'ordre public applicables en l'espèce, une cour d'appel a pu déduire souverainement des clauses de ce bail que le bailleur ne participait aux frais que par l'apport des plants et fournitures nécessaires aux complantations, les autres dépenses demeurant à la charge du métayer: 3ème civ. 29 juin 2005, n° 03-17277.

- au droit de préemption ;

- aux conditions du renouvellement ou de la reprise en fin de bail

   cf. article L. 411-52 Code rural qui renvoie à l’article 1775 du code civil, lequel dispose :

 Le bail des héritages ruraux, quoique fait sans écrit, ne cesse, à l’expiration du terme fixé par l’article précédent, que par l’effet d’un congé donné par écrit par l’une des parties à l’autre, six mois au moins avant ce terme.
 A défaut d’un congé donné dans le délai ci-dessus spécifié, il s’opère un nouveau bail dont l’effet est réglé par l’article 1774.
 Il en est de même si, à l’expiration des baux écrits, le preneur reste et est laissé en possession.

    et, en jurisprudence, par exemple : 3ème civ. 22 avril 1976 : BC III, n° 156.

• Le régime du bail est déterminé au moment de sa conclusion ou de son renouvellement :

 • C’est l’arrêté préfectoral en vigueur à la date du renouvellement qui détermine le régime du bail renouvelé (3ème civ. 25 septembre 2002, n° 01-10230 : BC III, n° 175 ; 13 novembre 1985, n° 84-15036 : BC III, n° 141).

 •  Lorsque par suite d’un partage des biens loués (ou de la modification à la hausse du seuil des petites parcelles), la surface louée devient inférieure au seuil, le bail reste néanmoins soumis au statut jusqu’à son échéance, mais il se renouvelle sous le régime des petites parcelles. Le congé doit être délivré par huissier 18 mois à l’avance, mais il n’est pas fait application des conditions de fond de la reprise (3ème civ. 4 décembre 1979 : JCPN 1980.II,p. 201 ; 3ème civ. 10 nov. 1993 : BC III, n° 143 ; JCPN 1994.II.p. 319).

Et le cessionnaire du bail ne peut bénéficier de son renouvellement pour neuf ans (3ème civ. 18 février 2009, n° 08-14160).

 •  Et inversement, dès lors qu’à la date du renouvellement du bail conclu sous le régime des petites parcelles, l’arrêté préfectoral fixant le seuil d’application du statut du fermage à une surface inférieure à celle des biens loués était entrée en vigueur, le bail renouvelé s’est trouvé soumis au statut du fermage : 3ème civ. 11 janvier 2006, n° 04-20723.(Adde: 3ème civ. 31 octobre 2006, n° 05-19486).

 •  Lorsque la limite d’application du régime des petites parcelles est fixée différemment selon la nature des cultures, la situation doit être appréciée au moment de la conclusion du bail et non en fonction de l’utilisation réelle des parcelles à la date du litige (3ème civ, 21 octobre 1992, n° 91-11612 : BC III, n° 277 ; JCPN 1993.IIobs. J.-P. Moreau). Et dans le même sens, le fait que le preneur se soit livré pendant 10 ans, sans opposition du bailleur, à la culture du tabac ne caractérise pas la volonté non équivoque du bailleur d'accepter un changement d'affectation des parcelles à la date de conclusion du bail en cours (3ème civ. 5 octobre 1999, n° 97-21977 : RDR 2000, p. 211, obs. Crevel ; JCPN 2000, n° 18, p. 787, obs. Rochard).

• L'article 56 de la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche du 27 juillet 2010 ajoute un alinéa à l'article L. 411-3 du code rural, précisant que le régime des petites parcelles « ne s'applique pas aux parcelles ayant fait l'objet d'une division depuis moins de neuf ans. » Cette disposition s'oppose à la conclusion d'un bail soumis au régime des petites parcelles sur une parcelle récemment divisée. Elle fait également échec à la jurisprudence précitée s'agissant de baux renouvelés moins de 9 ans après la division des parcelles louées. Littéralement cette exclusion devrait s'appliquer lorsqu'une parcelle louée sous le régime des petites parcelles est divisée ensuite, ce qui est tout de même un peu paradoxal. Par ailleurs, en présence d'un bail conclu sur une petite parcelle divisée depuis moins de 9 ans, il est permis de se demander si le régime des petites parcelles ne peut trouver à s'appliquer en cours de bail, à l'expiration du délai de 9 ans suivant la division (cf. notamment le rapport de Gérad César et Charles Revet au nom de la commission de l'Economie du Sénat: "Cet article additionnel résultant d'un amendement de votre rapporteur, prévoit que l'exclusion définie à l'article L. 411-3 du code rural ne s'applique aux petites parcelles concernées par une telle division qu'au bout d'une durée de neuf ans").

• Soumission volontaire aux règles normales du statut du fermage ou du métayage:

Les parties peuvent volontairement soumettre à l'ensemble des dispositions du statut du fermage les baux portant sur des parcelles d'une superficie inférieure au seuil prévu à l'article L. 411-3 du Code rural. Mais leur volonté doit être certaine:

 •  La référence expresse au contrat-type départemental ainsi qu’aux dispositions du code rural en ce qui concerne le renouvellement, la résiliation, la reprise, la cession et la sous-location, ne prouve pas que les parties ont entendu exclure le régime particulier des petites parcelles, le contrat ne dérogeant pas à l’exclusion du droit de préemption prévu à l’article L. 412-3 (3ème civ. 23 février 2005, n° 03-20741).