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Bail à long terme : avantages fiscaux menacés ?

Dernière mise à jour: 12 juillet 2011

La traque et la répression des abus de droit : confondre les menteurs et surprendre les petits malins

En fiscalité, l’abus de droit – dont la répression est organisée par l’article L. 64 du Livre des procédures fiscales – connaît deux variantes : le simulacre ou la fictivité et le montage à but exclusivement fiscal.

Quand le bail à long terme n'est qu'un simulacre

La première variante est aisément compréhensible, même si elle peut poser quelques problèmes de preuve. Lorsque le bail à long terme existe sur le papier mais ne correspond pas à la situation réelle, il ne peut ouvrir droit aux avantages fiscaux.

Cette forme d'abus de droit est illustrée, notamment, par un arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 11 janvier 2000 (Cass. com. 11 janvier 2000, n° 97-16070, Fressineau : RJF 4/00, n° 577):

Un père a constitué, avec ses deux enfants, une SCEA qui a pris en location un domaine viticole lui appartenant, lequel a été apporté à un GFA. Le même jour la nue-propriété de parts du GFA a été donnée aux enfants en bénéficiant de l'exonération partielle des droits de mutation à titre gratuit. L'administration a démontré que le GFA n'avait pas d'existence réelle, n'ayant même pas de compte bancaire pour encaisser les loyers, lesquels étaient directement perçus par l'usufruitier des parts sociales. Les juges du fonds n'y avaient vu qu'une simplification des procédures comptables, sans incidences économiques. La Cour de cassation sanctionne la fictivité du GFA et souligne du même coup l'importance du respect du formalisme dans le fonctionnement des structures juridiques. (cf. également Cass. com. 21 juin 1994, n° 93-10759).

Mais, si la fictivité des personnes morales est constitutive d'un abus de droit, la circonstance que les dirigeants du GFA bailleur et de la société d'exploitation locataire soient les mêmes personnes physiques ne permet pas de conclure à la fictivité du bail à long terme conclu entre ces deux structures juridiques (Cass. com. 8 octobre 1991,n° 89-16053, Saint-Exupéry : BC IV, n° 280, RJF 12/91, n° 1610).

Quand le bail à long terme n'a qu'un but fiscal

L'autre forme de l'abus de droit est sans doute plus difficile à cerner. Elle permet à l'administration d'écarter les actes qui, sans être fictifs, peuvent être regardés comme ayant pour seul but d'éluder des impositions, c'est-à-dire des actes guidés par des préoccupations exclusivement fiscales (l'existence de préoccupations fiscales de la part des parties, licites en elles-mêmes, ne peut être retenue que si elles constituent la justification exclusive de l'opération: Cass. com. 19 avril 1988, n° 86-19079).

Il peut sembler choquant, de prime abord, alors que le législateur s'efforce d'inciter les bailleurs à conclure des baux à long terme par l'octroi d'avantages fiscaux, que l'administration reproche aux mêmes bailleurs d'avoir été séduits par ces incitations et d'avoir conclu des baux à long terme dans l'unique but de bénéficier des avantages fiscaux qu'ils confèrent.

Dans une chronique publiée à la Revue de jurisprudence fiscale (RJF 5/98, p. 359), Stéphane Verclytte, Maître des Requêtes au Conseil d'Etat, a ainsi précisé l'approche que le Conseil d'Etat faisait de cette question: « La condition de motivation exclusivement fiscale pose cependant problème dans le cas où l'abus de droit invoqué porte sur l'utilisation de mesures d'incitation fiscale. Le Conseil d'Etat, allant jusqu'au bout de la logique dans laquelle il s'était engagé, a choisi, dans une telle hypothèse, de regarder comme une fraude à la loi la violation des intentions du législateur. Il a en effet admis l'existence d'un abus de droit lorsque des dispositions législatives accordant des avantages fiscaux dérogatoires au droit commun dans un but d'intérêt général avaient été utilisées dans des conditions telles que le but en vue duquel ces avantages avaient été prévus n'avait pas été atteint (CE 3 février 1984, n° 38320, Plén. Bilger Gillet : RJF 4/84, n° 499)».

De son côté, la Cour de cassation déduit de l'existence d'effets non fiscaux l'impossibilité de conclure aux motifs exclusivement fiscaux de l'opération incriminée (Cass. com. 10 décembre 1996, n° 94-20070, RMC France : RJF 2/97, n° 186). « Il n'y a pas fraude en l'absence de montage et donc lorsque les actes litigieux sont réels et que les conséquences juridiques qui en découlent créent une situation nouvelle véritablement différente de celle précédant leur mise en œuvre » (Jean-Claude PAROT : chronique DF 1998, n° 6, p. 186).

  • Ainsi, la seule circonstance que le preneur savait, lors de la signature du bail à long terme, qu'il deviendrait, par donation, nu-propriétaire des biens pris à bail quinze jours plus tard est un motif « impropre à caractériser l'existence de préoccupations fiscales exclusives » (Cass. com. 16 juin 1992, n° 90-11722, Tiberghien : RJF 8-9/92, n° 1277). Il est en effet évident que la donation en nue-propriété n'empêche pas au bail de produire ses effets. Mais la Cour de cassation juge aussi que le Tribunal n'a pas méconnu l'obligation de l'administration d'établir que le bail à longue durée n'avait pas d'autre intérêt que fiscal, en déduisant de la proximité chronologique des deux actes et du fait que le bail n'avait apporté aucun avantage particulier au donataire qu'elle avait fait cette preuve ; et, « examinant ensuite les arguments présentés par M. Tiberghien de nature à donner, selon lui, au bail sa justification, il a d'abord écarté l'intérêt financier qu'en augmentant leurs ressources le bail aurait occasionné aux bailleurs, puis repoussé l'avantage familial que le contrat aurait procuré en garantissant d'un côté l'égalité entre les enfants et, de l'autre, en permettant à M. Jacques Tiberghien de poursuivre l'exploitation du domaine familial, en retenant que ces considérations étaient suffisamment prises en compte par la situation antérieure et ne nécessitaient donc pas la conclusion d'un nouveau bail ; il a ainsi légalement justifié sa décision » (Cass. com. 7 octobre 1997, n° 95-13650, Tiberghien : RJF 3/98, n° 340).

Comme on l'a compris, la particularité des deux derniers arrêts cités est d'avoir été rendus dans la même affaire. Ces arrêts montrent qu'en la matière, si la Cour de cassation vérifie l'existence de motifs pertinents permettant au Tribunal de retenir l'abus de droit, elle n'entre évidemment pas dans l'appréciation des faits. Les juges du fond sont en conséquence souverains pour apprécier l'existence du but exclusivement fiscal et l'absence, en fait, d'effets réels autres que fiscaux sur la situation des intéressés, pourvu qu'ils justifient suffisamment leur décision au regard de ces deux critères.

  • Dans une autre affaire où, le même jour, une mère avait consenti à son fils un bail à long terme sur des terres qui lui étaient déjà louées par bail ordinaire et une donation d'usufruit sur une partie de ces parcelles, et où l'administration, suivie par le Tribunal de Grande Instance de Bordeaux, avait contesté l'application de l'exonération partielle prévue à l'article 793.2.3° du CGI au motif « qu'en donnant le même jour à son fils ses droits en usufruit sur partie des parcelles de terres et de vignes faisant l'objet du bail à long terme, la donatrice a annulé les effets du bail rural à concurrence de sa donation d'usufruit », la Cour de cassation a jugé « qu'en subordonnant le bénéfice de l'exonération à une condition que la loi applicable à l'époque de la donation ne prévoyait pas », le tribunal avait violé les textes susvisés (Cass. com. 21 novembre 2000, n° 98-11016, David :RJF 3/01, n° 395 ; Droit fiscal 2001, n° 22-23, comm. 516; Cass. com. 27 mars 2001, n° 98-14127 , David), précision étant faite que la donation était intervenue quelques jours avant l'entrée en vigueur des nouvelles dispositions imposant une condition d'antériorité du bail en cas de donation au profit du locataire.

L'arrêt de la Cour de cassation précise toutefois que l'Administration, après avoir notifié un premier redressement fondé sur le caractère fictif du bail à long terme en application de l'article L. 64 du LPF, en avait notifié un second selon la procédure contradictoire. Si la procédure d'abus de droit avait été abandonnée, l'arrêt de la Cour de cassation ne permet de tirer aucune conclusion sur l'éventuelle qualification d'abus de droit des opérations en cause.

  • La seule circonstance que les preneurs soient âgés lors de la conclusion du bail à long terme (en l'espèce 72 et 75 ans) n'est pas de nature à faire obstacle à l'application du régime de faveur (Cass. com. 10 juin 1997, n° 94-18085)
  • Une affaire un peu plus embrouillée, a donné lieu à un arrêt défavorable de la Cour d'appel de Douai, en date du 8 juin 2009 (n° RG 08/06111):

Préalablement, le comité consultatif avait conclu à l'abus de droit (affaire n° 2003-28, BOI 13 L-2-04), en invoquant notamment le caractère fictif d'un bail à long terme conclu sur des biens précédemment loués verbalement à un GAEC. Le bail avait été conclu au profit d'un neveu et d'une nièce de la bailleresse, le neveu étant associé du GAEC et la nièce, l'épouse de l'autre associé, Aucune convention de mise à disposition n'avait été régularisée au profit du GAEC qui, cependant exploitait les biens loués avant comme après la signature du bail à long terme.

Au regard des circonstances d'espèce, cet argument n'a pas été retenu par le juge d'appel qui a axé sa décision sur le critère du but exclusivement fiscal.
Après avoir énoncé que :

« le bail à long terme est un instrument juridique visant à renforcer la stabilité de la situation de l'exploitant agricole, en limitant les risques liés à l'exercice par le bailleur de son droit de reprise », et que « c'est afin d'atteindre cet objectif que des mesures incitatives ont été instaurées en direction des propriétaires de terres agricoles, consistant en des avantages fiscaux »,

la Cour a principalement relevé que la substitution d'un bail à long terme à un bail verbal préexistant ne s'imposait nullement pour établir une stabilité dans la location des terres au GAEC, la bailleresse étant retraitée, célibataire et sans descendance et ayant légué ses biens à ses 3 neveux et nièce dont l'un d'eux était associé du GAEC et la nièce épouse de l'autre associé.

La Cour relève également que l'argument tiré de ce que le bail à long terme rendrait plus onéreuse l'expropriation un temps envisagée ne peut être retenu, faute de preuve, et, à supposer même cette hypothèse avérée, « la conclusion du contrat litigieux n'aurait correspondu à aucune nécessité économique, le but poursuivi par les parties à l'acte étant totalement étranger à la finalité du bail à long terme ».

  • Mais, à l'inverse, n'est pas abusive la transformation d'un bail de 9 ans en bail à long terme 2 mois avant le décès du bailleur qui avait institué le preneur légataire universel, dès lors que cette transformation était en préparation depuis une longue période, qu'elle était intervenue à la demande du preneur notamment au regard d'un projet de construction nécessitant la conclusion d'un emprunt pour lequel l'existence d'un bail à long terme constituait une condition favorable pour le banquier. La cour relève en outre que le preneur n'était pas censé connaître la teneur du testament dont le contenu n'est d'ailleurs jamais définitif (CA Rouen, 16 mai 2007, n° 05/04656).

    Malgré l'avis défavorable du Comité consultatif pour la répression des abus de droit (affaire n° 2002-5, BOI 13 L-2-04).

  • Dans un avis rendu en 1999, le Comité consultatif pour la répression des abus de droit a considéré que l'abus de droit était caractérisé dans les circonstances suivantes : Une tante consent un bail à long terme a son neveu qu'elle vient d'instituer légataire universel 4 mois plus tôt, qui vit chez elle et exploite déjà les terres en cause depuis 20 ans en vertu d'un bail verbal sans contrepartie. Elle décède trois mois plus tard. Le comité relève enfin que la bailleresse « n'avait aucun intérêt financier à conclure ce bail qui d'ailleurs n'a pas été payé » (Affaire n° 99-5 : BOI 13 L-2-00).

L'appréciation des conditions d'application des avantages fiscaux

Conformité du bail à long terme aux articles L. 416-1 et suivants du Code rural

Le point commun de tous les avantages fiscaux réside dans l'existence d'un bail à long terme répondant aux conditions des articles L. 416-1 à L. 416-6, L. 416-8 et L. 416-9 du Code rural, c'est-à-dire, en fait, à l'ensemble des dispositions du Chapitre VI du Titre 1er du Livre IV, chapitre intitulé : dispositions particulières aux baux à long terme. Seul l'article L. 416-7 est exclu de l'énumération parce qu'il ne fait que rappeler les avantages fiscaux attachés aux baux à long terme.

Cette condition a été discutée dans différentes situations:

• Baux consentis à une société par un propriétaire associé exploitant:

Se fondant sur les dispositions du dernier alinéa de l'article L. 411-2 du Code rural excluant du champ d'application du statut des baux ruraux les biens mis à dispositions d'une société par une personne qui participe effectivement à leur exploitation au sein de celle-ci, l'administration a soutenu que des baux conclus dans un tel contexte ne pouvaient ouvrir droit aux avantages fiscaux, faute d'être soumis au statut. Cette analyse a été admise par le Tribunal de Grande Instance de Charleville-Mézières (21 juillet 1995 : Rev. Dr. Rur. 1996, Notez bien p. 25). Mais le jugement a été cassé le 8 octobre 1997 (Cass. civ. III n° 95-19267 , Dupont : BC III n° 187, RJF 3/98, n° 331), au motif « que les dispositions des articles L. 411-1 et L. 411-2 du Code rural n'interdisaient pas aux époux D… de consentir un bail à long terme soumis au statut du fermage à la SCEA D…, même en continuant de participer à l'exploitation au sein de celle-ci ». Il reste que, dans cette situation, les clauses dérogatoires au statut des baux ruraux ne peuvent pas être réputées non écrites.

• Bail de parcelles non exploitées:

On peut s'interroger sur l'efficacité de baux portant sur des parcelles non exploitées. A cet égard, il a été précisé que l'exonération prévue à l'article 793.2.3° du CGI pouvait profiter aux parcelles qui, en application de la réglementation relative au retrait des terres arables, sont en nature de jachère au moment où intervient la transmission dès lors qu'elles ne sont pas utilisées à des fins non agricoles (RM Valleix n° 61577, JOAN 16 novembre 1992, p. 5200).

• Baux antérieurs à 1970:

Longtemps, l'administration a soutenu que les baux conclus antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi instituant les baux à long terme ne pouvaient pas bénéficier du régime spécifique attaché à ceux-ci. La Cour de cassation ayant plusieurs fois infirmé cette analyse (Cass. com. 25 avril 1977, n° 75-13195 : RJF 10/77, n° 576 ; 18 mai 1981, n° 79-16064 : Droit fiscal 1981, comm. 2152 ; Cass. com. 22 mars 1988, n° 86-14193: Droit fiscal 1988, n° 20-21, comm. 1076), l'administration a fini par abandonner sa doctrine par une réponse ministérielle du 2 décembre 1996 (RM Martin, JOAN 2 décembre 1996, p. 6293, n° 38896) « sous réserve que les clauses du bail en cours du jour de la mutation à titre gratuit soient conformes aux prévisions des articles L. 416-1 à L. 416-6, L. 416-8 et L. 416-9 du Code rural ».

• Baux à long terme renouvelés tacitement:

La Cour de cassation a nettement jugé que les baux de 9 ans, issus du renouvellement d'un bail à long terme, est un nouveau bail qui n'a pas la nature d'un bail à long terme (3ème civ. 1er avril 1998 : JCPN 1998, p. 1094 ; 2 février 2000 : Rev. Dr. Rur. 2000, p. 187). La question s'est donc trouvée posée de savoir si les exonérations fiscales liées aux baux à long terme étaient applicables aux baux ainsi renouvelés.

S'agissant de l'exonération partielle prévue à l'article 793.2.3° du CGI, l'Administration y a répondu d'une manière positive dans une lettre adressée à la FNSEA en date du 4 mars 1993, sous réserve « que les parties puissent apporter la preuve de l'existence d'un bail initial conclu entre le bailleur et le preneur ou, ultérieurement ses ayants droit, dans l'hypothèse où les termes du bail ne s'opposent pas à son transfert aux descendants, et de sa continuation par tacite reconduction : paiement du droit de bail, absence de congé donné par le bailleur ou le preneur… » (JURISAGRI, n° 3, p. 46).

La Documentation de Base confirme cette position, pour l'application de l'article 793.2.3° (D. adm. 7 G-2622, n° 15, 20 décembre 1996) comme de l'article 793.1.4° (D. adm. 7 G-2623, n° 22, 20 décembre 1996).

Adde RM Morisset n° 26790, JOAN 20 juillet 2004, p. 5517: le bénéfice de l'exonération est accordé aux transmissions intervenant pendant la durée prévue au contrat initial ou au cours des renouvellements successifs. Ainsi, l'exonération s'applique lorsque la mutation intervient à l'expiration du bail à long terme initial mais que la location se poursuit par tacite reconduction conformément aux dispositions des articles L. 416-1 et L. 416-3 du code rural.

S'agissant de l'exonération d'ISF prévue à l'article 885 P, l'administration a également répondu de manière positive, sous réserve que la durée du bail initial soit au moins de 18 ans (RM Dejoie, JO Sénat 24 août 1989, p. 1323, n° 4119 : JCPN 1990, Prat. p. 43).

• Baux conformes au statut: état des lieux et autres conditions:

La question de la conformité du bail aux règles impératives du statut est assez délicate.

Avant que l'administration fiscale ne renonce à refuser le bénéfice des exonérations au motif d'absence d'état des lieux (RM Mauger, AN 28 avril 1980, p. 1714, n° 26321), la Cour de cassation avait été amenée à préciser que l'absence d'état des lieux à la date de la mutation ne faisait pas perdre au bail à long terme son caractère, « dès lors qu'il a été suivi d'un état des lieux établi selon les dispositions de l'article 809 du code rural » (Cass. com. 9 mars 1976, n° 74-14899, Harduin : RJF 7-8/76, n° 364).

Par ailleurs, en présence de baux signés avant l'entrée en vigueur de la loi instituant le régime particulier des baux à long terme, la Cour de cassation a jugé que les clauses du bail antérieur, contraires aux conditions de la loi nouvelle, ne s'opposaient pas à l'application des exonérations dès lors qu'elles devaient être réputées non écrites en vertu de la loi nouvelle applicable aux baux en cours (Cass. com. 22 mars 1988, n° 86-14193, Pechon : Droit Fiscal 1988, n° 20-21, comm. 1076).

Il n'est cependant pas évident que la nullité des clauses contraire à l'ordre public puisse toujours être opposée à l'administration fiscale, principalement dans le cas où les parties ont fait application de ces clauses dans leurs relations contractuelles. On pourrait aisément imaginer une distinction entre, d'une part les clauses réputées nulles et non écrites dont les parties renonceraient à se prévaloir, de telles clauses ne faisant pas perdre le bénéfice des exonérations, et, d'autre part, les clauses contraires au statut mais néanmoins appliquées entre les parties qui permettraient à l'administration de soutenir que les conditions du Code rural ne sont pas réunies.

Les conditions spécifiques exigées des Groupements Fonciers Agricoles (GFA)

En dehors de ces dénominateurs communs, des interrogations concernent spécifiquement les GFA:

  • Quant à son patrimoine : tous les biens ruraux doivent être loués par bail à long terme :

La doctrine administrative en vigueur au 18 mars 2014 précise encore: « l'exonération ne peut s'appliquer que si le patrimoine du groupement ne comprend que des immeubles à destination agricole et que si la totalité de ceux-ci sont donnés à bail à long terme » (BOI-ENR-DMTG-10-20-30-30, n° 60). Cette précision ne semble guère compatible avec le régime d'exonération en vigueur depuis le 1er juillet 1992 et qui réserve l'exonération à la fraction de la valeur des parts de GFA qui correspond aux biens ruraux loués par bail à long terme (Ibid. n° 280 et s.).

Plus sûrement, l'application du régime de faveur est subordonnée à la réunion de deux conditions cumulatives :

- que le GFA n'ait été constitué que d'apports d'immeubles agricoles et de numéraires, condition résultant de l'article L. 322-8 du Code rural, étant précisé qu'en cas d'apports en numéraires l'exonération de l'article 793-1.4° ne s'applique que sous condition d'un délai de détention de deux ans par le défunt ou donateur.

Il a été admis que l'augmentation de capital par incorporation des comptes courants d'associés dans les deux ans qui ont précédé la transmission des parts n'est pas de nature à exclure ces dernières de l'exonération de DMTG prévue par le 4° du 1 de l'article 793 précité du CGI, dans la mesure où ces comptes courants avaient été constitués et alimentés dès la création du groupement et les sommes correspondantes immédiatement utilisées pour doter le groupement d'immeubles à destination agricole. Mais cette solution, justifiée dans un tel contexte, ne saurait être étendue à tous les cas d'augmentation de capital par incorporation des comptes courants d'associés (RM Balkany n° 78245, JOAN 3 août 2010 et BOI-ENR-DMTG-10-20-30-30, n° 90).

- que tous les biens ruraux soient loués par bail à long terme (Cass. com. 30 juin 1992, n° 90-15842 : BC n° 257, RJF 10/92, n° 1435). A noter toutefois, qu'invitée par la FNSEA à confirmer « que le Service de la législation fiscale ne se refuserait pas, pour l'application de l'exonération partielle des transmissions à titre gratuit de parts de G.F.A. et avant toute procédure contentieuse, à examiner les cas limites où une fraction minime des terres agricoles du groupement ne serait pas louée par bail à long terme du fait de circonstances indépendantes du bailleur », ledit Service a répondu : « Il m'est agréable de vous apporter les confirmations que vous demandez » (Lettre du SLF à la FNSEA du 4 mars 1993 :JURISAGRI mars 1993, n° 3, p. 46).

Mais la présence, dans le patrimoine du GFA, d'une parcelle agricole louée par bail emphytéotique est de nature à remettre en cause l'exonération partielle de DMTG prévue au 4° du 1 de l'article 793 du CGI. Il n'est pas envisagé de déroger, dans la situation particulière évoquée par le parlementaire portant sur l'implantation d'une éolienne sur la parcelle concernée, à ces dispositions, qui sont d'application générale (RM André n° 04105, JO Sénat du 21 août 2008, p.1650 et BOI-ENR-DMTG-10-20-30-30, n° 60).

Ces conditions peuvent faire difficulté, soit lorsque des biens non affectés à l'exploitation agricole ont été apportés à la constitution et demeurent dans cet état à la date d'application du régime d'exonération (par exemple, des bois ou des friches), soit lorsque le GFA est issu de la transformation d'une société d'une autre forme, ayant initialement reçu des apports d'une autre nature (Cf. RM Geoffroy, Sénat 5 mai 1976, p. 864, n° 19529).

  • La notion d'infraction au sens de l'article L. 322-18 du Code rural.

Une autre difficulté propre aux GFA réside dans l'interprétation de l'article L. 322-18 du Code rural qui stipule : « Toute infraction aux dispositions du présent chapitre donne lieu au remboursement des avantages financiers et fiscaux qu'elle prévoit. Toutefois, ce remboursement n'est pas dû lorsque la condition de parenté prévue à l'article L. 322-11 cesse d'être respectée à la suite de transmissions à titre gratuit ». Cette disposition est reprise à l'article 1840 G sexes du CGI : « Toute infraction aux articles L. 322-1 à L. 322-24 du code rural relatifs aux groupements fonciers agricoles et groupements fonciers ruraux donne lieu au remboursement des avantages fiscaux qu'ils prévoient ». La Cour de cassation a jugé que, « même en l'absence de fraude, la disparition de l'activité sociale en considération de laquelle le régime fiscal de faveur a été accordé constitue une infraction » au sens de ces dispositions (Cass. com. 10 mars 1998, n° 96-14481, SCI du Domaine de Cauhape : Droit Fiscal 1998, n° 30, comm. 719).

La portée de cette jurisprudence reste à préciser. En l'occurrence la Cour de cassation a ainsi rejeté le pourvoi dirigé contre un jugement du Tribunal de Grande Instance de Pau, en date du 19 décembre 1995 ayant eu à statuer sur la remise en cause du droit d'apport dont avait bénéficié le GFA lors de sa constitution, alors qu'il s'était transformé en société civile immobilière dix ans plus tard. Saisi d'un litige visant la remise en cause des exonérations partielles appliquées lors de donations de parts du même GFA, le Tribunal de Grande Instance de Pau a cette fois jugée que « sauf à ajouter une sanction fiscale qu'elles ne comportent pas aux dispositions des articles L. 322-1 à L. 322-24 du Code rural, l'Administration fiscale ne peut valablement prétendre que l'opération de transformation du GFA, intervenue… postérieurement aux actes de transmission à titre gratuit, constitue une infraction aux dispositions des articles susvisés, aucune condition postérieure à la transmission à titre gratuit, autre que celle prévue à l'article 793 bis, n'étant requise des bénéficiaires de l'article 793-1-4° du Code Général des Impôts » (TGI Pau 12 août 1998, n° 97.02492 : JURISAGRI septembre 1998, n° 63, p. 51).

Ce jugement a été confirmé par Cass. com. 4 février 2004, n° 00-20271 : La transformation d'un GFA en SCI n'entraîne pas la remise en cause de l'exonération partielle appliquée lors de la donation des parts de GFA dès lors que ces parts ont été conservées pendant au moins 5 ans par les donataires.

Mais, bien sûr, l'annulation d'une partie des parts des GFA désignés au 4 du 1 de l'article 793 du Code général des impôts avant l'expiration du délai prévu par l'article 793 bis du même code et consécutive au retrait d'une partie des biens donnés à bail à long terme par le GFA entraîne la déchéance totale de l'exonération partielle prévue par le premier de ces textes (Cass. com. 3 novembre 2004, n° 02-14421)

Selon RM Perrut n° 30630, JOAN 29/03/2005, p. 3256 (BOI-ENR-DMTG-10-20-30-30, n° 400), la dissolution du GFA et le partage qui s'ensuit ne constituent pas une infraction susceptible de remettre en cause le bénéfice de l'exonération accordée à la donation de parts consenties plus de 5 ans auparavant, dès lors que la vente de ses actifs fonciers intervient postérieurement à la décision de dissolution. En revanche, la vente de la totalité des actifs fonciers préalablement à la décision de dissolution poserait des difficultés pour l'application de l'article 1840 G sexies du CGI dans la mesure où cette opération entraînerait la dénaturation de l'objet social du GFA....

Impôt de solidarité sur la fortune : l’exonération des biens loués à long terme à un membre du groupe familial : jusqu’où peut-on aller dans l’interprétation stricte d’une règle d’exception ?

Concernant enfin spécifiquement l'ISF, et plus spécialement l'assimilation à des biens professionnels exonérés des biens loués par bail à long terme à une membre du groupe familial qui l'utilise dans l'exercice de sa profession principale (articles 885 P et 885 Q du CGI), plusieurs difficultés ont été soulevées.

• Biens exploités dans le cadre d'une société:

La Cour de cassation a suivi l'Administration dans son refus d'étendre cette exonération au cas de bail à long terme consenti à une société contrôlée par les membres du groupe familial (Cass. com. 14 décembre 1999, n° 97-18810, Leflaive : RJF 4/00, n° 572). Mais, les articles 885 P et 885 Q ont été modifiés à compter du 1er janvier 2004. Désormais, l'exonération est accordée lorsque le bien rural est loué à une société contrôlée par un membre du groupe familial, de même que s'il est loué à un membre dudit groupe qui le met à disposition d'une telle société dans les conditions prévues à l'article L. 411-37 du Code rural. Mais l'exonération totale est limitée à la proportion du capital détenu par les membres du groupe familial qui exercent dans la société leur activité professionnelle principale.

Dans une instruction du 20 janvier 2005, publiée au BOI 7 S-2-05, l'administration a notamment précisé:

– que la modification des dispositions des articles 885 P et 885 Q du CGI n'est pas de nature à remettre en cause l'application des dispositions exposées DB 7 S 3312 n°6 et suivants aux biens ruraux et aux parts de groupements fonciers agricoles ou groupements agricoles fonciers.

En effet, il est rappelé que, sous réserve de certaines conditions, le caractère de bien professionnel est reconnu dans l'hypothèse d'une location ou d'une mise à disposition d'un bien rural, faite directement par le propriétaire du bien ou par un groupement dont il détient des parts, dans la mesure où cette location ou cette mise à disposition ne prive pas en fait le propriétaire du bien ou des droits de la possibilité d'utiliser les biens pour les besoins exclusifs de son activité professionnelle exercée à titre principal.

- pour déterminer la fraction exonérée du bien rural, il convient de prendre en compte la seule participation des personnes, membres du groupe familial, qui exercent leur activité principale dans la société. Et, dans l'hypothèse où l'une des ces personnes détiendrait des droits démembrés (usufruit ou nue-propriété seulement), leur pourcentage de participation sera calculé par application de l'article 669.

La détention indirecte de la société locataire ne permet pas la qualification de biens professionnels (Cass. com. 12 juillet 2011, n° 10-23305).

• Biens loués à des copreneurs:

L'administration entend encore limiter la portée de l'exonération en cas de bail consenti à des copreneurs dont l'un est membre du groupe familial (RM Girod, n° 18089 et 19147, JO Sénat 22 novembre 1984, p. 1869 ; DB 7 S-333, n° 11, 1er octobre 1999), l'autre n'étant par exemple que son conjoint. Dans cette hypothèse « le bien rural est considéré comme bien professionnel à hauteur de la part de ce copreneur, si les autres conditions pour bénéficier de l'exonération sont remplies ». Cette interprétation paraît toutefois excessivement restrictive dans la mesure où le bail conclu dans ces conditions ne peut être réputé conclu seulement pour moitié au profit de chacun des copreneurs. Bien entendu, la condition d'utilisation effective dans le cadre de l'activité principale doit être remplie par le membre du groupe familial et non seulement par le copreneur extérieur au groupe familial. En exigeant que le membre du groupe familial soit le preneur exclusif du bail à long terme, l'administration fiscale subordonnait l'exonération à une condition non prévue par le texte légal (CA Reims 19 juillet 2005, Gaucher, JurisData n° 2005-292757).