La récolte pendante

Le statut du conjoint dans l'exploitation individuelle

Le stock de l'exploitant individuel dépend-il de la communauté ?

Publicité pour le vin et loi Evin.

Best of jurisprudence

Contrôle des structures et baux viticoles

Baux viticoles de petites parcelles

Réglementation du fermage en Champagne

Aspects spécifiques du métayage en Champagne

Baux ruraux et réglementation viti-vinicole

Plantations réalisées dans le cadre d'un bail rural

Best of jurisprudence

Droit au bail, droit d'entrée, pas-de-porte et autre indemnité d'éviction...

Sanction fiscale des loyers anormaux et des abandons de loyers.

Comment déterminer la valeur réelle de titres non cotés ?

Qu'est-ce qu'une cessation partielle d'activité au sens de l'article 201.I du CGI ?

Qu'est-ce qu'un associé exerçant son activité professionnelle au sens de l'article 151 nonies du CGI ?

La jurisprudence "Quemener", comment ça marche ?

Le contentieux fiscal de l'évaluation.

Exonération de 75 % des droits de donations sur les entreprises individuelles et les parts de société (articles 787 B et 787 C CGI).

Bail à long terme : des avantages fiscaux menacés ?

L'activité du bailleur à métayage est-elle professionnelle au regard de l'ISF ?

Best of jurisprudence

Plantations et constructions sur sol d'autrui

Le bail à construction

Les conséquences fiscales du démembrement d'un actif professionnel.

Le rapport successoral des donations de droits démembrés.

Donation d'usufruits successifs.

Réserve et donation de quasi-usufruit.

Le stock détenu en usufruit.

L'apport en coopérative fait-il perdre la propriété ?

Best of jurisprudence

Un site
du droit et de la fiscalité
de l'exploitation viticole

twitter

facebook

Les conséquences fiscales du démembrement d'un actif professionnel

Dernière mise à jour: 1er janvier 2013

Plus-value de cession

La donation de la nue-propriété entraîne mutation d’un élément d’actif, constituant le fait générateur d’une plus-value si la valeur de cession est supérieure à la valeur nette comptable.

L’administration considère que seule la plus-value correspondant à la nue-propriété est taxable. Elle admet en quelque sorte, et à titre de règle pratique, l’application de l’article 669 à la plus-value qu’aurait générée la donation en pleine propriété 1.

Exemple : un bâtiment figure à l’actif du bilan pour une valeur brute de 200 000 € et une valeur nette comptable de 75 000 €. La nue-propriété est transmise par donation. A cette date, le bâtiment est évalué à 200 000 €. Le donateur, qui se réserve l’usufruit, étant âgé de 55 ans, la valeur de la nue-propriété est de 100 000 €.
La valeur nette comptable à retenir pour le calcul de la plus value est de 75 000 x 50 % = 37 500 €,
soit une plus-value de 62 500 €. On obtient le même résultat si on calcule la plus-value sur la valeur en pleine propriété (soit 200 000 – 75 000 = 125 000) à laquelle on applique la fraction définie à l’article 669 : 125 000 x 50 % = 62 500.

Toutefois, lorsque l’inscription d’un immeuble à l’actif du bilan relève d’une décision de gestion, la transmission de la nue-propriété de l’immeuble rend caduque cette décision et, en l’absence d’une nouvelle décision manifestant le choix d’inscrire le droit d’usufruit en tant qu’élément d’actif incorporel, le contribuable doit être regardé comme ayant entendu reprendre la pleine propriété du bien dans son patrimoine privé (CAA Nantes 16 février 2005, n° 01-1735 et 02-570 : RJF 5/2006, n° 1009).

C’est une méthode analogue qui est préconisée, en comptabilité, par la Compagnie nationale des commissaires aux comptes 2 dans le cas d’une cession d’usufruit portant sur des actions : la valeur comptable théorique de l’usufruit est déterminée par le rapport entre le prix de cession dudit usufruit et la valeur en pleine propriété des actions à la date de la cession, appliqué à la valeur comptable des actions cédées. Pour la CNCC, le compte 675 (valeur comptable des éléments cédés) doit être débité du seul montant de la valeur théorique comptable de l’usufruit 3.

En toute logique, la méthode préconisée par l’administration fiscale devrait conduire à maintenir au bilan une valeur résiduelle correspondant aux droits non transmis, c’est-à-dire, si la donation porte sur la nue-propriété, à l’usufruit. En reprenant les données de l’exemple ci-dessus, la valeur nette comptable résiduelle serait de 75 000 x 50 % = 37 500 € 4.

Dans une chronique publiée à la Revue de Droit Fiscal 5 Jean-François DUCHENE et Marc EPSTEIN, adoptant, dans son principe, le raisonnement fiscal décrit ci-dessus, préconisent de déterminer la valeur nette comptable du droit démembré par un calcul actuariel.

Le principe même de ventiler la valeur historique, lors de la cession d’un droit démembré, entre nue-propriété et usufruit a pu être critiqué. Ce principe repose, en effet, peu ou prou, sur l’idée qu’à l’occasion de la transmission d’un droit démembré, le cédant ne transmet qu’une partie de l’actif qu’il détient. Par exemple, en donnant la nue-propriété, le donateur ne donne qu’une partie de la pleine propriété qu’il détenait, et retient l’autre partie, l’usufruit.

Or, cette idée ne fait pas l’unanimité.

Le Conseil d’Etat a jugé que l’usufruit portant sur des biens professionnels par nature constituait un élément incorporel de l’actif immobilisé affecté par nature à l’exercice de la profession 6 .

Cette jurisprudence accrédite l’idée selon laquelle la donation de la nue-propriété d’un actif corporel entraîne sa disparition complète et donne naissance à un actif incorporel.

Selon un auteur 7: « conserver l’usufruit, ce n’est pas conserver une quote-part de la pleine propriété, c’est retenir àla date de la cession et pour sa valeur vénale à ce jour, un droit réel nouveau : l’usufruitier n’est plus le propriétaire des immobilisations corporelles, mais il l’est d’une immobilisation incorporelle » 8.

Et céder l'usufruit c'est réaliser un revenu, du moins lorsque la cession de l’usufruit émane du plein propriétaire 9.

En ce sens, la cession de l'usufruit temporaire d'un cabinet libéral génère un produit d'exploitation imposable au barème progressif de l'impôt sur le revenu (CAA Lyon 12 juin 2012, n° 11LY01293).

Depuis le 14 novembre 2012, s'agissant des premières cession à titre onéreux d'un usufruit temporaire, l'article 13.5 du CGI soumet d'illeurs le produit de cette cession (ou la valeur vénale de l'usufruit cédé, si elle est supérieure) à l'impôt sur le revenu dans la catégorie à laquelle se rattache, au jour de la cession, le bénéfice ou revenu procuré ou susceptible d'être procuré par le bien ou le droit sur lequel porte l'usufruit temporaire cédé.

Amortissement de l'usufruit

Se pose alors la question de l’amortissement de cet élément incorporel dont la valeur va nécessairement s’amoindrir au fil du temps, pour s’annuler à l’extinction de l’usufruit. Un jugement du Tribunal administratif de Poitiers 10, unanimement approuvé par la doctrine (mais pas encore par l’administration fiscale), a admis l’amortissement d’un usufruit temporaire portant sur des titres de participation. Comme l’a souligné Monsieur Jérôme TUROT 11, dès lors que l’on admet que l’usufruit d’actions constitue un élément de l’actif immobilisé, la solution ’amortissement s’impose.

Cf. également

- CAA de Bordeaux 19 décembre 2005, n° 02BX00050: "des droits attachés à un usufruit peuvent être au nombre des éléments incorporels de l'actif immobilisé susceptibles d'être amortis".

- CAA Nancy 14 juin 2007, n° 05NC01092: L'absence de perception d'un loyer en contrepartie de l'apport de l'usufruit de plantations à une société qui les amortit ne constitue pas un acte anormal de gestion.

- TA Paris, 2e sect., 2e ch., 6 juill. 2009, n° 04-19716: L'usufruit d'un immeuble constitué pour 30 ans peut être amorti sur cette durée dès lors que l'entreprise usufruitière ne peut se prévaloir d'un droit à en conserver la jouissance au-delà de cette date 12.

- CAA Paris 6 Juillet 2011, n° 09PA06198: Si un élément d'actif incorporel identifiable peut donner lieu à une dotation à un compte d'amortissement, c'est à la condition qu'il soit normalement prévisible, lors de sa création ou de son acquisition par l'entreprise, que ses effets bénéfiques sur l'exploitation prendront fin à une date déterminée, et trel n'est pas le cas de l'usufruit d'une concession de droits qui peut être renouvelée par tacite reconduction.

TVA

Sur le plan de la TVA, tant que le bien continue d’être utilisé pour les besoins de l’exploitation, l’opération est en principe sans incidence, même si l’exploitant n’est plus propriétaire, ce qui vise le cas de transmission de la nue-propriété. Cette solution était antérieurement explicitée dans la Documentation administrative de Base :

« Pour l’application des dispositions de l’article 210 de l’annexe II au CGI, lorsqu’un exploitant agricole redevable de la TVA fait donation avec réserve d’usufruit de tout ou partie de ses biens ayant ouvert droit à déduction lors de leur acquisition, la régularisation des droits à déduction n’est pas exigible, dès lors que les biens continuent d’être exclusivement affectés à la réalisation d’opérations ouvrant droit à déduction. En revanche, la régularisation deviendrait immédiatement exigible en cas d’extinction de l’usufruit, de cessation de l’activité de l’usufruitier, ou enfin de renonciation à l’option de la part de l’usufruitier » (D. adm. 3 I-1342, n° 55 et 56, 1er novembre 1989). La documentation Francis Lefebvre, à jour au 1er avril 1992, TVA XII, n° 7840 ajoute : « Concernant les biens mobiliers d’investissement (matériels, divers), il n’y a lieu ni à taxation, ni à régularisation dès lors que les biens continuent d’être exclusivement affectés à la réalisation d’opérations ouvrant droit à déduction ».

Ces précisions n’ont pas été reprises dans la dernière mise à jour de la Documentation de Base. Sans doute l’imposition des cessions de biens mobiliers d’investissements rend ces solutions moins faciles à concevoir. Elles ne semblent toutefois pas abandonnées si on en juge par la lettre adressée au Directeur du Syndicat Général des Vignerons de la Champagne par la DLF en date du 31 juillet 2001. Interrogée sur les conséquences, en matière de TVA, du décès de l’exploitant et de la transmission de l’exploitation au onjoint survivant, usufruitier universel, l’administration admet l’application du régime de faveur prévu pour la transmission d’une universalité totale ou partielle de biens en précisant que « la dévolution de la nue-propriété de l’exploitation aux descendants qui ne participeraient pas à la mise en valeur de celle-ci ne fait pas obstacle à l’application du régime de faveur puisque le conjoint survivant, en sa qualité d’usufruitier universel, bénéficie d’un droit d’usage sur les biens en cause qui lui permet d’exploiter de manière autonome et durable le domaine agricole ».

Lorsque ultérieurement l’usufruitier cesse son activité, il devra opérer les régularisations sur les immeubles et imposer les livraisons à soi-même des biens meubles sur une base égale à la valeur totale (usufruit + nue-propriété). En revanche, en cas de cession d’un bien mobilier d’investissement par l’usufruitier qui poursuit son activité, la base d’imposition à la TVA semble devoir être limitée au prix qu’il perçoit, c’est-à-dire, en principe, à la seule valeur de l’usufruit (sauf hypothèse d’un quasi-usufruit).

Symétriquement, on doit conclure que la donation de l’usufruit, plus rare, oblige à procéder à des régularisations (immeubles) ou à l’imposition d’une livraison à soi-même (biens meubles), dès lors que, par l’effet de cette donation, le bien cesse d’être utilisé par l’assujetti.

Notes

1 BOI-BIC-PVMV-10-10-20-20120912, § 480 et suivants.

2 Bulletin CNCC, n° 99, septembre 1995, p. 346 et suivants.

3 L’article 74 I de l’annexe II au CGI prévoit des modalités similaires pour le calcul des plus-values immobilières lorsque le bien a été acquis en pleine propriété. On retrouve encore l’idée que la plus-value sur la pleine propriété correspondrait à la somme des plus-values sur l’usufruit d’une part et sur la nue-propriété d’autre part, dans la RM Dubernard n° 29547 (JOAN 15 janvier 1996, page 236) : « Pour l’application des dispositions prévues aux articles 92 B II, 150 A bis et 160 ter du code général des impôts, le démembrement du droit de propriété des titres reçus en échange qui résulte d’une donation-partage avec réserve d’usufruit emporte les conséquences suivantes : la fraction de la plus-value en report correspondant à la nue-propriété transmise gratuitement est définitivement exonérée et le surplus de la plus-value en report correspondant à l’usufruit que s’est réservé le donateur continue à bénéficier du report d’imposition dans les conditions de droit commun. Il est admis, à titre de règle pratique, que cette fraction soit appréciée à l’aide du barème prévu à l’article 762 du code déjà cité, en tenant compte de l’âge de l’usufruitier au jour de la donation-partage ». C’est enfin toujours la même idée qui guide les solutions énoncées énoncées au BOFiP en cas de cesion de droits démemnbrés portant sur des valeurs mobilières (BOI-RPPM-PVBMI-20-10-20-60-20120912).

4 Cf. en faveur d’une telle solution : P. Fernoux, « Stratégies d’immobilier d’entreprise fondées sur la transmission de la nue-propriété d’un immeuble » : JCP E, 24 et 31 juillet 2003, n° 30 et 31, 1112 et 1156.

5 Droit Fiscal 2003, n° 18-19, p. 659 et s. Les auteurs proposent une méthode de ventilation de la valeur nette comptable entre l’usufruit et la nue-propriété utilisant le taux de rendement interne (TRI) calculé en fonction de la valeur nette comptable du bien à la date du démembrement : les cash-flows futurs et la valeur de la pleine propriété à la cessation de l’usufruit sont ainsi actualisés de telle sorte que leur somme soit égale à la valeur nette comptable à la date de constitution de l’usufruit. Les cash-flows actualisés au TRI sont réputés représenter la valeur nette comptable de l’usufruit, et la valeur de la propriété future actualisée au même TRI représente la valeur nette comptable de la nue-propriété. Par construction, la somme des deux valeurs nettes comptables ainsi calculées est égale à la valeur nette comptable de la pleine propriété.

6 CE 19 février 2003, n° 229373, Tornay : RJF 5/03, n° 573.

7 Loïc de Maintenant : Cessions d’usufruit : et si l’on voyait les choses autrement ? : BF 7-8/00, p. 407 et s.

8 Ibid, n° 13.

9 Ibid. En revanche, lorsque l’usufruitier cède son usufruit, le profit réalisé a la nature d’une plus-value d’actif. Ce point de vue fait l’unanimité : cf. L. de Maintenant, ibid, n° 13 ; RM Masson n° 2078, JOAN 1er décembre 1986, p. 4558 (Droit Fiscal 1987, n° 10, comm. 461), d’où il résulte implicitement que l’usufruit constitue bien un élément d’actif.

10 TA Poitiers 21 novembre 1996, n° 95-1701 : RJF 1/97, n° 7.

11 L’usufruit d’action peut s’amortir : BF 6/97, p. 374.

12 « Considérant que l'usufruit portant sur un bien immobilier constitue un élément d'actif incorporel qui peut, en vertu des dispositions précitées de l'article 39, 1 du Code général des impôts, donner lieu à une dotation annuelle à un compte d'amortissement s'il est normalement prévisible, lors de son acquisition par l'entreprise, que ses effets bénéfiques sur l'exploitation prendront fin à une date déterminée ; que tel est le cas de l'usufruit temporaire apporté à la société requérante, ...: qu'ainsi cet usufruit n'était pas susceptible de générer des profits ... au-delà d'une durée de trente années ; qu'il en résultait chaque année un amoindrissement irréversible de sa valeur pour la société requérante ; que, dès lors, cet élément d'actif pouvait faire l'objet d'une dotation annuelle à un compte d'amortissement à un taux calculé sur une durée de trente ans, durée maximale pendant laquelle il pouvait générer des produits d'exploitation ».