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Donation d'usufruits successifs

Dernière mise à jour: 1er janvier 2013

Envisageons la situation dans laquelle l’usufruit est constitué au profit de plusieurs bénéficiaires successifs. Plus exactement, il est constitué des usufruits successifs, dont l’avatar le plus fréquent est la réversion au profit du conjoint survivant.

La nature même de l’opération de constitution d’un usufruit successif a fait l’objet de débat.

La première chambre civile de la Cour de cassation a opté pour l’analyser comme une donation à terme de biens présents 1, épousant la thèse défendue, notamment, par M. Grimaldi, suivie par la troisième chambre 2, tandis que la chambre commerciale, statuant en matière fiscale, soutenait que le deuxième usufruit était soumis à la condition suspensive de survie du second bénéficiaire 3.

La Chambre mixte a unifié la jurisprudence en consacrant l'analyse de la première chambre civile (Cass. Ch. mixte 8 juin 2007, n° 05-10727):

Attendu que la clause qui stipule la réserve de l'usufruit au profit des donateurs et du survivant d'entre eux, avec donation éventuelle réciproque, s'analysant en une donation à terme de biens présents, le droit d'usufruit du bénéficiaire lui étant définitivement acquis dès le jour de l'acte, la cour d'appel a exactement retenu que l'exercice de ce droit, différé au jour du décès du donateur, ne constituait pas la manifestation de la volonté de son bénéficiaire d'accepter la succession du défunt.
Avis de M. Legoux, avocat général.
Rapport de M. Rivière, conseiller rapporteur.

Il en résulte qu'aucun droit n'était exigible du chef de l'usufruitier successif à l'extinction du premier usufruit (Cass. civ. I, 31 octobre 2007, n° 06-18996).

L'administration fiscale a semble-t-il pris acte de cette jurisprudence, dans une RM Bianco (n° 4451, JOAN 18/03/2008, p. 2306):

S'agissant des réversions d'usufruit au profit du conjoint survivant consenties antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi TEPA, celles-ci sont, conformément à la jurisprudence de la chambre mixte de la cassation du 8 juin 2007, considérées comme des donations à terme de biens présents et sont donc taxées au jour de l'acte de donation.

Cf. également RM Mathis n° 11817, KOAN 17/06/2008, p. 5160: Il n'est pas envisagé de demander à l'administration fiscale qu'elle n'entame pas de procédure de rectification, en vue de l'assujettissement aux droits de mutation à titre gratuit des réversions d'usufruit ayant pris effet avant la date d'entrée en vigeur de la loi TEPA.

Pour autant, la loi fiscale a continué de considérer que l’usufruit successif n'est qu'éventuel. C’est semble-t-il la logique des dispositions combinées des articles 669 du CGI, 2ème alinéa :

« Pour déterminer la valeur de la nue-propriété, il n’est tenu compte que des usufruits ouverts au jour de la mutation de cette nue-propriété »,

et 1965 B du même code :

« Dans le cas d’usufruits successifs, l’usufruit éventuel venant à s’ouvrir, le nu-propriétaire a droit à la restitution d’une somme égale à ce qu’il aurait payé en moins si le droit acquitté par lui avait été calculé d’après l’âge de l’usufruitier éventuel ».

Depuis la loi du 24 décembre 2007, l'article 796-0 quater du CGI dispose que « les réversions d'usufruit relèvent du régime des droits de mutation par décès ». Pour l'administration, il en résulte que les réversions d'usufruit sont taxables lors du décès du stipulant, fait générateur des droits de succession 4.

REMARQUE : Contrairement à la donation classique, la constitution d'un usufruit successif échappe à la maitrise du donateur, puisque la fiscalité applicable dépend des paramètres en vigueur à la date de son décès : L'impôt est établi sur la valeur fiscale de l'usufruit déterminée d'après la valeur des biens et en fonction de l'âge du nouveau bénéficiaire au jour du décès du premier usufruitier ; il est liquidé au tarif et compte tenu des abattements applicables à cette date (BOI-BIC-AMT-10-30-30-20-20120912, § 1).

La technique des usufruits successifs peut utilement être mise en œuvre dans le cadre de donations aux petits-enfants. Elle présente l’intérêt juridique de ne pas sacrifier entièrement la génération intermédiaire qui bénéficiera, si elle survit au donateur, de l’usufruit des biens donnés aux petits-enfants. Il en résultera cependant un surcoût fiscal lors de l’ouverture de l’usufruit successif, par application de l’article 1965 B du CGI.

Exemple:
Donation d’un immeuble valant 100 000 euros

1ère hypothèse : donation à un enfant qui le donnera lui même à un petit enfant. On considère que pour chaque donation, le taux applicable est de 20 % compte tenu des autres biens à transmettre.
Coût de la 1ère donation : Le donateur est âgé de 59 ans.
La nue-propriété transmise vaut 50 000 €.
Les droits correspondant sont de 10 000 € (50 000 x 20 %).
Le donateur décède 20 ans plus tard. L’usufruit est réuni à la nue-propriété en franchise de droit. Le donataire, alors âgé de 62 ans le donne à son tour à son descendant avec réserve d’usufruit :
Coût de la 2ème donation :
La nue-propriété transmise vaut 60 000 €
Les droits correspondant sont de 12 000 € (60 000 x 20 %).
Coût total sur deux générations : 22 000 € outre les frais notariés de deux actes de donation.

2ème hypothèse : données identiques, mais la donation est consentie directement au profit du petit enfant avec réserve d’usufruit au profit du donateur et constitution d’un usufruit successif au profit du descendant direct. On considère qu’il s’agit de la seule donation consentie directement au profit du petit enfant :
La nue-propriété transmise vaut 50 000 € (on ne tient compte que de l’usufruit « ouvert » au sens de l’article 669 du CGI) :
Les droits correspondants après abattement (31 865 €), sont de 1 821 €.
Au décès du donateur, l’ouverture du second usufruit génère une taxation déterminée en fonction de l’âge du second usufruitier à cette date, soit 62 ans.
Valeur de l’usufruit ouvert : 40 000 €
Les droits correspondants sont de 8 000 € (40 000 x 20 %).
Mais le petit-enfant a droit à une restitution tenant compte de l’âge qu’avait le second usufruitier lors de la donation initiale, soit dans l’exemple 42 ans. La valeur de la nue-propriété alors transmise est ramenée à 100 000 x 40 % = 40 000 €. Après abattement 8 135 € restent imposable.
Les droits correspondants auraient été de 410 €, d’où une restitution de 1 411 €
Coût total = 1 821 + 8 000 – 1 411 = 8 410 € outre les frais notariés relatifs à un acte unique.

Il faut souligner une difficulté si l’on souhaite se préoccuper aussi de ne pas sacrifier le conjoint du maillon intermédiaire qui survivrait à ce dernier. Certes, il est possible de prévoir un autre usufruit successif qui s’ouvrirait à son profit dans cette hypothèse. Mais il est important de considérer que le conjoint tient son droit du donateur d’origine et non de son époux, ce qui oblige à considérer que la donation d’usufruit intervient entre personnes non parentes et à en tirer les conséquences sur le plan fiscal. En outre, et pour la même raison, la donation est irrévocable. Même divorcé, l’ex-conjoint restera usufruitier successif, ce qui peut déplaire. On songe alors à assortir la donation d’usufruit successif d’une condition résolutoire : l’absence d’introduction d’une instance en séparation de corps ou en divorce antérieurement au décès, dont la validité est sujette à caution dès lors qu’elle aboutit à priver une personne d’une liberté fondamentale 5.

Sur le plan de la fiscalité professionnelle, la situation du donateur d’origine ne diffère pas de celle exposée ci-dessus.

Pour le nu-propriétaire, c’est également à peu près la même chose. La valeur d’inscription au bilan devrait être celle retenue pour assiette des droits de mutation à titre gratuit 6, mais cette valeur pourrait apparaître supérieure à la valeur réelle de la nue-propriété, compte tenu de l’existence de l’usufruit successif, autorisant la constitution d’une provision, laquelle devrait être reprise au fur et à mesure de l’augmentation de valeur de la nue-propriété.

Enfin, quelle est la situation de l’usufruitier successif ? Tant que l’usufruit n’est pas ouvert, il semble bien qu’il faille ignorer son droit. A l’ouverture de l’usufruit successif, l’usufruit peut être inscrit au bilan pour sa valeur actuelle, si l’on retient l’hypothèse d’une comptabilisation du droit d’usufruit (voir ci-dessus) puisque c’est cette valeur qui supporte les droits de mutation à titre gratuit.

Notes

1 Cass. Civ. I, 21 octobre 1997, pourvoi n° 95-19759 : BC I n° 291. Cf également dans le même sens : Cass. Civ. III 6 novembre 2002 : JCPN 2003.1448, note Michel DAGOT, d’ailleurs critique : « En réalité, c’est un droit conditionnel dont bénéficie l’épouse du donateur. Ce droit d’usufruit est en effet subordonné non pas à un terme – le décès du donateur -, mais à une véritable condition, le prédécès du donateur. Il suffit de songer à ce prédécès pour réaliser que le droit d’usufruit non seulement n’aura jamais aucun exercice, mais en outre ne naîtra pas véritablement, la condition ayant défailli ».

2 3ème civ. 6 novembre 2002, cité note 24 : JCPN 2003, 1448, note M. Dagot.

3 Cass. Com. 2 décembre 1997, pourvoi n° 96-10072 : BC IV n° 318.

4 RM Ceccaldi-Raynaud n° 115883, JOAN 8 novembre 2011, p. 11832 et BOI-ENR-DG-70-40-20120912.

5Cf. J.-Cl. Notarial Répertoire, DONATIONS ET TESTAMENTS, fasc. 30, n° 44 (5, 2002). En faveur de la validité d'une telle condition: 1ère civ. 13décembre 2005, n° 02-14135 (note Philippe SIMLER in JCPN 2006.1168).

6 Cf. BOI-BIC-AMT-10-30-30-20-20120912, § 20. Toutefois, aux termes de l’article 38 quinquies de l’annexe III au CGI, les immobilisations acquises à titre gratuit doivent être inscrites à leur valeur vénale.